vendredi 30 octobre 2009

"Antinoüs", de Jean Boullet

Poursuivant mes descriptions d'ouvrages de Jean Boullet, c'est aujourd'hui le tour d'Antinoüs, paru en 1954.

De mon point de vue, c'est un des plus beaux ouvrages de Jean Boullet. Composé de 33 planches, en feuilles, c'est un recueil de dessins à la gloire de la beauté masculine, jeunes hommes plutôt du style voyou ou mauvais garçon. Il y a quelques représentations d'adolescents. Le contenu de l'ouvrage n'a pas de rapport direct avec le titre, même si l'on sait qu'Antinoüs fut aimé d'Hadrien et représente la beauté masculine antique, objet d'un désir désespéré chez l'homme mûr.
Sans le dire, cet ouvrage est la suite des Beaux gars, paru chez le même éditeur en 1951.

J'ai sélectionné 11 dessins sur les 33 de l'ouvrage.












Denis Chollet, dans Jean Boullet, le précurseur (pp. 45-46) apporte ces quelques informations :
"L'ouvrage est en souscription depuis le début de l'année 1954. On s'inquiète encore auprès de Marcel Lamazerolles d'une possibilité de joindre des clients. Le livre paraît en avril 1954. C'est un recueil de 33 nouveaux dessins qui a été mal diffusé et qui s'est mal vendu en dépit de la constitution d'un club d'hommes autour de la revue d'André Baudry, Arcadie.[..]. Ainsi, Antinoüs, est encore un livre trop personnel ? Et d'une crudité de propos susceptibles de déranger le goût aristocratique hypertrophié des compagnons de route d'André Baudry, de Roger Peyrefitte ou de Jacques de Ricaumont ?". Il signale que le choix de texte formant préambule a été en partie fait par Paul Viguier.

Le commentaire de Jacques Desse mérite d'être rapporté "panthéon de beaux gosses où l'on voit que l'iconographie gay n'a guère varié depuis les années 50".

Description de l'ouvrage

Jean Boullet
Antinoüs
Nice, s.n., 1954, in-4° (325 x 244 mm), [12] pp. + 33 planches + [4] pp., en feuilles sous chemise cartonnée rempliée (couverture), étui et emboîtage.

Les 12 premières pages non chiffrées contiennent :
- 2 pages blanches
- le faux-titre
- une page blanche
- le titre
- une page blanche
- 5 pages contenant des courtes citations sur l'amour des garçons. Les auteurs sont essentiellement des grecs, mais on y trouve aussi Jean-Jacques Rousseau, Sade et des auteurs japonais et arabes.
- une page blanche

A la fin de l'ouvrage, les 4 pages non chiffrées contiennent la justification du tirage et l'achevé d'imprimer sur la première pages, suivie de 3 pages blanches.
Justification :
- 467 exemplaires sur Vélin de Lana numérotés de 1 à 467
- 33 exemplaires sur Vélin d'Arches numérotés de I à XXXIII, contenant un dessin original de Jean Boullet.
Cet exemplaire est le n° 405.


Cet ouvrage a été imprimé sur les presses de la Société d'Imprimerie Méditerranéenne. L'achevé d'imprimer est du 15 avril 1954.

Cet ouvrage est absent de toutes les bibliothèques publiques de France, y compris la BNF

samedi 10 octobre 2009

"Tapis volant", de Jean Boullet

Poursuivant le travail commencé la semaine dernière, je m'intéresse au premier livre publié par Jean Boullet alors qu'il avait à peine 25 ans. En 33 dessins, il croque d'un trait vif et extrêmement évocateur la beauté d'adolescents arabes. Publié en 1945, avec l'appui de Jean Cocteau, "Tapis volant" se présente en feuilles, dans un chemise cartonnée.


Le dessin de Jean Boullet n'avait pas encore ce trait précis et très marqué qui le caractérisera par la suite. Le choix du crayon de charbon donne plus de flou, plus d'aérien au dessin.

J'ai sélectionné 8 dessins parmi les 33 (pour agrandir l'image, cliquez dessus) :








A mon goût, le plus érotique et le plus évocateur :



Dans son catalogue, Jacques Desse reproduit un beau texte de Jean Leffard sur cet ouvrage : "C'est pour leur apprendre qu'ils appartenaient à un monde oiseau et leur révéler l'Orient dont ils étaient les anges que Boullet a crayonné de merveilleuses histoires qui se jouent aux portes du ciel… Tout Jean Boullet est déjà dans ces quelques dessins, langueur des gestes et des attitudes, recherche du charmant ou du cruel, étonnante facilité"

Didier Chollet,
Jean Boullet le précurseur, p. 17, consacre quelques mots à ce premier ouvrage, reprenant les informations du texte introductif. Pour échapper au STO, Jean Boullet séjourna dans une clinique psychiatrique à Suresnes. C'est lors de cette période de convalescence qu'il dessina les planches de cet ouvrage pour lesquelles auraient posé 3 enfants kabyles, dans le sous-sol d'une mosquée, sous le regard bienveillant de la mère. En revanche, Didier Chollet n'explique pas comment un jeune homme de 23 ans a pu se faire éditer par Flammarion et obtenir l'appui de Jan Cocteau. Dès cet âge-là, il paraissait bien lancé dans le monde gay de l'Occupation, croisant probablement Jean Cocteau à cette occasion. La biographie de Jean Cocteau par Claude Arnaud n'en parle pas.

Le prologue de Jean Cocteau est reproduit en fac-similé :


Autre personnalité de ce monde du gay Paris de l'Occupation, François Sentein a croisé Jean Boullet et rapporte ces anecdotes sur cet ouvrage dans son journal :
Minutes d'une autre année (1945), (pp. 141-143)


"
? octobre. [1945] - Après-midi avec Jean Boullet à Suresnes, au bord de la Seine, dans le parc de la maison de santé où il est arrivé à se faire transférer de la Santé. De là il continue à mener ses affaires, comme, de leur cellule de prison, les gangsterrereurs d 'Amérique. C'est sa pension Belhomme.
Par exemple, il a dirigé l'édition en feuilles volantes, serrées dans un cartonnage noué d'un cordonnet, des dessins de Tapis volants, présentés par un texte de notre bon Cocteau, à savoir : épais comme le petit doigt de poses – chacune à peine différente des autres – en déguisement turquois où l'on reconnaîtrait, n'était la facilité sommaire du trait, un même modèle adolescent : Daniel Filipacchi. [...]
Toujours est-il que le recueil des esquisses a été distribué, avec trop d'empressement, avant qu'en eussent été numérotés les exemplaires. Notre prisonnier aussitôt de dépêcher sa mère à faire le commis de la quincaillerie familiale passer, muni des marqueurs et du tampon encreur, chez tous les détenteurs de l'ouvrage – dont j'étais – pour rattraper la précipitation."

On peut penser que l'identification du modèle par Sentein est vraie, car je ne vois pas l'intérêt d'inventer une telle histoire. Certes, c'est moins poétique que les trois adolescents à la saveur orientale dont il parle dans sa préface (notice sur Daniel Filippacchi).

Il n'existe qu'un seul exemplaire dans les bibliothèques publiques, dans le fonds Cocteau de la Bibliothèque universitaire de Montpellier (Lettres). C'est un des deux exemplaires hors commerce sur Japon. Il s'agit probablement de l'exemplaire personnel de Jean Cocteau. Ce fonds a été constitué à partir du don d'Edouard Dermit, légataire universel du poète (voir Fonds Cocteau).

Description de l'ouvrage


Jean Boullet
Tapis volant
33 dessins sur un thème personnel avec un prologue de Jean Cocteau

[Paris], Flammarion, [1945], in-8° oblong (210 x 270 mm), [7] ff. + [33] planches., sous une chemise de titre et une chemise cartonnée à dos toilé.

L'ouvrage contient :
- Chemise de titre avec la justification au recto
- Fac-similé du prologue de Cocteau (f. [1]), suivi du même texte de Cocteau (f. [2])
- Page d'intertitre :
Eclaircissements sur un thème personnel (f. [3])
- Texte introductif (ff. [4-7]), datée de Paris, juin 1944.
- 33 planches de dessins.

Les feuillets et les planches ne sont imprimées qu'au recto.

Justification :
- 25 exemplaires sur Japon de Rives, avec un dessin original, numérotés de I à XXV
- 350 exemplaires sur hélio de luxe, numérotés de 1 à 350
- 50 exemplaires hors commerce sur hélio de luxe, numérotés de H.C. 1 à H.C. 50
- 2 exemplaires hors commerce sur Japon de Rives.
Soit 427 exemplaires.
Cet exemplaire est le n° 223.

L'éditeur n'apparaît que sur la couverture. La date est indiquée en fin d'ouvrage dans l'achevé d'imprimer.

La chemise cartonnée de certains exemplaires est fermée par un lien. Ce n'est pas le cas de celui-ci.

dimanche 4 octobre 2009

"Métamorphoses", de Jean Boullet

Je débute aujourd'hui la description des quelques ouvrages de Jean Boullet que je possède , une personnalité que l'on est en train de redécouvrir. Né en 1921, Jean Boullet, d'abord célèbre comme dessinateur et illustrateur, s'est ensuite fait connaître comme précurseur du cinéma fantastique et comme libraire de bandes dessinées et comics. Homosexuel flamboyant, un temps figure de Saint-Germain des Près, il est retrouvé mystérieusement pendu en Algérie, en 1970. Il a laissé une œuvre illustrée abondante, dont les plus célèbres recueils sont Les Beaux Gars, Antinoüs, etc.

Le recueil Métamorphoses rassemble 15 dessins représentant des êtres hybrides, mi-humains, mi-animaux fantastiques. Ce n'est donc pas à proprement parler une œuvre homosexuelle, mais l'homoérotisme de nombreux dessins est évident. La partie humaine de ces êtres hybrides est souvent un beau corps masculin ou une belle tête de jeune homme.

J'ai sélectionné 10 des 15 dessins (pour agrandir, cliquez sur l'image):












Description de l'ouvrage

Paris, Toutain, Editeur, s.d. (ca. 1950), in-4° (270 x 210 mm), [4] pp + 15 planches non chiffrées en feuilles sous chemise et couvertures rempliée illustrée d'un dessin.



L'ouvrage est composé de 15 planches non chiffrées portant chacun au recto un dessin de Jean Boullet. Elles sont précédées d'un premier feuillet portant la page de titre, sans indication d'éditeur, ni de date, illustré d'un dessin, et d'un deuxième feuillet portant au recto un texte extrait de l'Enfer de Dante. L'ensemble est contenu dans une chemise qui porte l'indication de l'éditeur sur la première page intérieure et la justification du tirage sur la deuxième page intérieure. Les deux pages extérieures de la chemise sont vierges. Le tout est contenu dans une couverture rempliée qui porte une reproduction de la page de titre.

La justification est :
- 300 exemplaires numérotés de 1 à 300
- 15 exemplaires contenant chacun un dessin original numérotés de I à XV
Cet exemplaire ne porte pas de justification, ce qui semble être le cas d'autres exemplaires (voir catalogue Jacques Desse).

Sur cet ouvrage, voir les pp. 33-34 et p. 43 de Jean Boullet, le précurseur, de Denis Chollet. Il confirme que ce livre est sorti à l'été 1950. Toutain, qui avait fait faillite, a tout de même réussi à publier cet ouvrage. L'éditeur put racheter son stock. J'aime le résumé de Denis Chollet : "Son monde intérieur est fixé en une quinzaine de dessins" dans "le mince et fondamental recueil Métamorphoses".


Sur Jean Boullet, l'ouvrage de référence (et unique biographie existante) est :
Jean Boullet, le précurseur, de Denis Chollet, France Europe Editions Livres, 1999


La galerie "Au Bonheur du Jour" a largement contribué à faire connaître Jean Boullet en proposant à la vente de nombreux dessins originaux. La dernière exposition a fait l'objet d'un beau catalogue tiré à 500 exemplaires :

On peut aussi se reporter au site Au Bonheur du Jour, qui reproduit une belle galerie de dessins.

Pour une bonne synthèse sur Jean Boullet, voir la notice Wkipédia : Jean Boullet.